Comment faire passer au mieux un message publicitaire? En laissant penser qu’il ne s’agit pas d’un message publicitaire. Du publi-rédactionnel à l’article de presse sponsorisé, en passant par le placement de produit par un youtubeur célèbre, revue de pub (cachée) à laquelle les élèves sont confrontés au quotidien, sans forcément le savoir.
Fiche info, parue dans le Dossier de la Semaine de la presse, 2018
Difficile aujourd’hui d’allumer sa télévision, d’aller au cinéma ou de regarder un youtubeur sans qu’une voiture ou un téléphone ne soient mis en avant par les personnages à l’écran. Depuis 2010, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel impose une signalétique spécifique pour ces placements de produit (le symbole P en bas à droite de l’écran) à la télévision. Mais les youtubeurs français ou étrangers ne précisent pas toujours avoir été rémunérés par une marque pour faire la promotion d’un film ou d’un jeu vidéo. Pour y remédier, YouTube oblige désormais les vidéastes à indiquer aux internautes sur leur vidéo «Inclut une communication commerciale». Une précision obligatoire puisque la loi française impose que le «message promotionnel» et «l’annonceur» soient tous deux «clairement identifiables». Mais cette mention est-elle suffisante? Les élèves comprennent-ils qu’il s’agit d’une forme de publicité ? Pas forcément.
Au-delà des produits, la fiction française se met par ailleurs au placement d’idées, quasiment impossible à détecter à l’œil nu.
Exemples : L’association des notaires de France a payé pour rendre plus moderne et sympathique un personnage de notaire, au cinéma, dans le film Arrête de pleurer Pénélope (2011). Même cas de figure avec la fédération française de rugby, qui a payé pour qu’un épisode de la série «Joséphine ange gardien» de TF1 soit consacré à un joueur de ce sport (Les infiltrés, M le magazine du Monde, Louise Couvelaire, 5 septembre 2014).
Autre procédé très répandu de longue date : faire en sorte que le contenu publicitaire ressemble le plus possible à un article de presse dans la forme (interview ou reportage par exemple, avec titre, chapô et légende). Rédigé par l’annonceur ou son agence de publicité, le contenu est publié tel quel dans le journal. Ces contenus sont (plus ou moins) facilement reconnaissables grâce à la mention de type «Communication» ou «Publi-rédactionnel» (souvent discrète, en haut de page) et parfois grâce à une légère différence de maquette.
Sur Internet, les pratiques ont évolué et le «native advertising» a détrôné le publi-rédactionnel. Ici, ce n’est plus l’annonceur qui rédige le contenu, mais directement des journalistes, sur commande. Exemples:Un test du jeu vidéo Fallout 4, publié en novembre 2015 par le magazine Les Inrocks, mais payé par l’éditeur du jeu, Bethesda. Ou encore un reportage, publié par Buzzfeed le 19 octobre 2017 sur «les cascadeurs hollywoodiens» qui réalisent les scènes de course poursuite en voitures, et commandé par le constructeur Ford. En plus de la forme, le ton est aussi exactement le même que dans le reste du média concerné. Certains médias, comme melty ou Buzzfeed, qui visent en priorité les jeunes, ont même construit leur modèle économique autour de ces contenus. Et le résultat est conforme aux attentes des annonceurs : selon deux études réalisées par l’agence de marketing Contently auprès de lecteurs américains, plus de 70% d’entre eux n’arrivent pas à reconnaître qu’un contenu de type «native advertising» est une publicité et l’assimilent à un «vrai» contenu journalistique.
Pourquoi payer pour un seul contenu, quand on peut s’offrir un média tout entier? Depuis quelques années, des entreprises se sont spécialisées dans la création de «médias» sur mesure pour les marques. Exemples : Hello Life, le site d’actu sur la banque de BNP Paribas ou Le Bon Guide, financé entre autres par la SNCF, ou le «portail d’actu» de Coca-Cola France. Tous sont édités par Webedia, entreprise française à qui appartient Allociné ou Jeuxvideos.com. Comment ça marche? Concrètement, comme l’explique un responsable de Webedia, les annonceurs se font dans un premier temps discrets, histoire d’installer le média sans qu’il soit identifié comme un support publicitaire. Ensuite, généralement «au bout de six à neuf mois», les services et produits de la marque vont être progressivement mis en avant.
* Publicité native ** Contenu de marque
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Vincent Coquaz, journaliste et formateur, Pôle Labo, CLEMI