Cette expression anglo-saxonne galvaudée recoupe en fait des situations bien différentes. tour d’horizon des différents types de fausses informations qui circulent, du simple canular à la désinformation volontaire.
Fiche info, parue dans le Dossier de la Semaine de la presse, 2018
«C’est une fake news!», «Attention aux fake news», «Il faut lutter contre les fake news»... Cette expression évoque souvent le flot de désinformation qui pollue les réseaux sociaux et le débat public. Mais il n’en existe pas de définition précise, si bien qu’elle est souvent utilisée à mauvais escient. Le président américain Donald Trump, par exemple, qualifie parfois de «fake news» des informations critiques à son égard, comme si l’emploi de cette expression coupait court à la discussion. On préférera donc utiliser les termes français appropriés pour distinguer plusieurs phénomènes différents.
Toute information se base sur des faits : ce qu’a dit quelqu’un, le résultat d’un match de football, la température mesurée à un endroit donné ce matin… Chaque journaliste va ensuite essayer de rapporter au mieux des événements à partir de ces faits. Ce travail n’est jamais entièrement neutre : deux per- sonnes différentes raconteront une même histoire en mettant parfois certains faits plutôt que d’autres en avant, ou n’en tireront pas forcément les mêmes conclusions.
Mais bien loin de ces considérations, il existe un certain nombre de personnes ou de sites internet prompts à faire circuler de fausses informations. ils citeront par exemple des chiffres qui n’existent pas ou montreront des images qui ont été retouchées pour en dénaturer le sens, dans le but de soutenir leur propre discours politique. C’est un peu comme si un cuisinier ajoutait volontairement des produits nocifs dans les plats qu’il prépare.
Par exemple, plusieurs sites internet peu scrupuleux ont affirmé en septembre 2017 que la sous-préfète en charge de la partie française de l’île de Saint-martin se serait enfuie après le passage de l’ouragan Irma. En réalité, et de nombreux témoins en attestent, cette personne n’a pas quitté l’île à ce moment. On peut donc bien parler de fausse information.
S’informer serait plus facile si toute affirmation pouvait facilement se classer, au choix, dans le «vrai» ou le «faux». La réalité est en fait beaucoup plus compliquée : beaucoup de rumeurs partent de bribes d’informations qui sont en soi parfaitement réelles, mais viennent ensuite les déformer pour en changer le sens, souvent dans le but de faire passer un message politique. Par exemple, un internaute a diffusé le 1er octobre 2017, jour du référendum sur l’indépendance en Catalogne, une vidéo montrant un policier donner des coups à plusieurs personnes dans la rue. La légende écrite par l’internaute dit : «La police espagnole attaque les Catalans». il s’agit en fait d’images bien réelles, mais qui ont été prises dans un tout autre contexte : elles remontent à une manifestation de novembre 2012 sans lien avec l’indépendance.
Il n’y a certes rien de «faux» à proprement parler dans un exemple comme celui-ci. mais partager cette vidéo sans en préciser la date cinq ans plus tard, qui plus est au cours d’une journée marquée par de vraies violences policières en Catalogne, est très trompeur.
Comme pour les «manipulations», ces sites internet se fondent sur des histoires réelles. mais au lieu d’essayer de présenter l’information de manière déontologique, ces sources d’informations peu scrupuleuses vont essayer de trouver le titre le plus accrocheur possible, quitte à déformer la réalité. Seul objectif : attirer le plus de lecteurs possible sur son site, ce qui permet de générer des revenus publicitaires. Mieux vaut donc passer son chemin lorsque l’on nous promet un «remède miracle» ou une histoire dont «vous ne devinerez jamais la suite».
«Desigual va lancer une ligne de vêtements pour humains»,
«Il achète des légumes tout en sachant qu’il ne les mangera jamais», «Grâce au changement d’heure, un insomniaque reste éveillé une heure de plus»... Autant de titres du site legorafi.fr qui ressemblent à s’y méprendre à ceux qu’on lit un peu partout dans la presse en ligne, mais qui se basent en réalité sur des récits imaginaires, pour faire rire.
Rien de bien méchant, donc, et peu de chances de se faire piéger a priori. à condition d’être bien réveillé. mais attention, tout de même : les sites satiriques et parodiques se multiplient, il en existe plus d’une centaine dans le monde aujourd’hui, et certains comme actualite.co proposent même à tout internaute d’inventer un article et de le partager sur les réseaux sociaux.
Adrien Sénécat, journaliste au Monde
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