Comment faire passer au mieux un message publicitaire ? En laissant penser
qu’il ne s’agit pas d’un message publicitaire. Du publi-rédactionnel à l’article
de presse sponsorisé, en passant par le placement de produit par un youtubeur célèbre, revue de pub (cachée) à laquelle les élèves sont confrontés au quotidien, sans forcément le savoir.
Difficile aujourd’hui d’allumer sa télévision, d’aller au cinéma ou de regarder un youtubeur sans qu’une voiture ou un téléphone ne soient mis en avant par les personnages à l’écran. Depuis 2010, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (désormais Arcom) impose une signalétique spécifique pour ces placements de produit (le symbole P en bas à droite de l’écran) à la télévision. Mais les youtubeurs français ou étrangers ne précisent pas toujours avoir été rémunérés par une marque pour faire la promotion d’un film ou d’un jeu vidéo. Pour y remédier, YouTube impose désormais aux vidéastes d’indiquer aux internautes, sur leur vidéo, la mention « Inclut une communication commerciale ». Une précision obligatoire puisque la loi française impose que le « message promotionnel » et « l’annonceur » soient tous deux « clairement identifiables ». Mais cette mention est-elle suffisante ? Les élèves comprennent-ils qu’il s’agit d’une forme de publicité ? Pas forcément. Au-delà des produits, la fiction française se met par ailleurs au placement d’idées, quasiment impossible à détecter à l’œil nu. Le magazine Marianne nous apprend par exemple que le choix de l’héroïne de la série Sam (diffusée sur TF1 depuis 2016) de boire l’eau du robinet n’est pas anodin. Il est le fruit d’une incitation financière du Centre d’information sur l’eau (Cieau), organisme d’information créé par les grandes entreprises de gestion des services publics d’eau et d’assainissement. De son côté, la région Occitanie, via sa marque Sud de France, a un contrat de plus de 600 000 euros avec France Télévisions, pour mettre en avant ses atouts.
Autre procédé très répandu de longue date : faire en sorte que le contenu publicitaire ressemble le plus possible à un article de presse dans la forme (interview ou reportage par exemple, avec titre, chapô et légende). Rédigé par l’annonceur ou son agence de publicité, le contenu est publié tel quel dans le journal. Ces contenus sont (plus ou moins) facilement reconnaissables grâce à la mention de type « Communication » ou « Publi-rédactionnel » (souvent discrète, en haut de page) et parfois grâce à une légère différence de maquette.
Apparus sur le web avec des médias comme Konbini ou Brut, les contenus sponsorisés brouillent les frontières de la publicité et de l’information. Sur les différents comptes de Brut, au sein d’un même fil, les vidéos d’actu et les vidéos commandées par un annonceur se succèdent en permanence, sans que les thèmes ne soient un indicateur : par exemple, une vidéo sur la bipolarité sponsorisée par Showroomprivé, ou une autre sur la ménopause (en partenariat avec l’assurance santé Alan). Or, le repérage proposé par les plates-formes, souvent discret, est même inexistant pour Twitter, où Brut indique simplement « avec la marque XXX ». Difficile, dans ces conditions, d’identifier cette publicité « discrète ».
Lorsque les marques se fondent tellement avec le contenu d’un article qu’il devient difficile de savoir qui l’a vraiment rédigé, on parle en général de publicité native, ou, lorsqu’il s’agit d’une rubrique ou d’un média entier, de brand content (« contenu de marque »). Au Figaro par exemple, un service interne dédié au brand content a été créé en 2018 afin de « mettre à la même hauteur le contenu éditorial et les contenus de marques ». On peut donc trouver dans la rubrique « Services » un article de 2019 titré « Avis matelas Tediber : tient-il ses promesses ? » avec, tout en bas de la page, la mention « Ce contenu publi-éditorial vous est proposé par le site Tediber pour Figaro Services. »
Désormais, c’est aussi le secteur du podcast, en plein développement, qui attire l’inventivité des marques souhaitant se glisser dans le contenu éditorial. Par exemple, le studio Binge audio, qui diffuse à la fois des contenus propres et des contenus produits avec des marques, propose un podcast intitulé « Sous la robe », produit avec l’appellation Côtes du Rhône, qui vise à « défaire les clichés autour des vins des Côtes du Rhône ».
Vincent Coquaz, journaliste à Libération et formateur EMI
Article 20 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. www.legifrance.gouv.fr
Déclic’ Critique, Comment repérer une publicité discrète sur YouTube, CLEMI. clemi.fr
Dossier « Publicité : les mille ruses », Arrêt sur Images. arretsurimages.net
LEHU, Jean-Marc.
La Publicité est dans le film, Éditions d’Organisation, 2006.
« Les Infiltrés », M le magazine du Monde, Louise Couvelaire, 5 septembre 2014.
GUÉMART, Loris. « Vos médias préférés font passer des pubs pour des articles ». Arretsurimages.net, 29/5/2021.