Avec ses vidéos publiées sur les réseaux sociaux, Brut revendique 14 millions de vues en France chaque jour. Son format immédiatement reconnaissable, dont la cible principale est l’utilisateur de réseaux sociaux de moins de 35 ans, est un bon levier pour faire produire les élèves.
Les vidéos de Brut sont des contenus médiatiques dont les codes sont familiers pour les élèves. Leur production demande un travail journalistique pointu et complet, dont on propose de s’inspirer ici à travers une séquence de 6 ou 7 heures. Ce projet ambitieux permet de développer l’esprit critique et l’autonomie des élèves.
Découvrir et analyser un média “pure player” comme Brut
Proposer aux élèves répartis par groupes de 3 de visionner une vidéo de Brut choisie par l’enseignant et d’en identifier l’information principale. À l’aide d’un moteur de recherche, ils prennent connaissance de la façon dont cette information a été traitée par différents médias et dans différents formats (texte, audio ou vidéo).
Dans un 2e temps, les élèves analysent la vidéo et en dégagent ses spécificités. Ils vont en déduire des éléments leur permettant de poser des critères de réussite pour leur propre réalisation de fin de séquence : les vidéos sont réalisées au format portrait (généralisé par le format « story »). Elles sont courtes, moins de 3 minutes. Les entretiens sont filmés en plan face caméra, le propos est sous-titré. Les témoignages peuvent être entrecoupés d’images documentaires mais une personne parle en permanence (soit à l’écran, soit sur les images) sans temps mort. Le propos est souvent engagé. On peut facilement identifier l’angle de traitement de l’information choisi. L’information est condensée, il n’y a pas de répétition. Les experts sont nommés et, à la fin des vidéos, les sources sont citées. Les éléments relevés et présentés sous forme de grille servent à définir un cadre pour réussir une vidéo à la manière de Brut.
Brut est un média pensé pour les réseaux sociaux. Mais il y a aussi un “style” Brut, qui rend ses vidéos reconnaissables immédiatement. Quelles en sont les composantes ?
Il y a plusieurs choses. L’entrée en matière est directe, on va directement au sujet et après on développe. On est plutôt sur du témoignage, des sujets de société, on essaie de s’adresser au plus grand nombre, plutôt les 15-35 ans. Il y a des valeurs, aussi, comme l’écologie, le féminisme ou le fait de lutter contre le racisme, par exemple. Si on raconte une histoire, il faut qu’il y ait un message, que ça ait du sens. Au niveau du format, on ne travaille quasiment plus qu’en vertical, le format Story. On filme avec l’iPhone et des micros HF.
Comment est fabriquée une vidéo Brut ?
C’est un procédé beaucoup plus complexe qu’on ne l’imagine ! Moi je suis journaliste au pôle reportage Facebook. Je travaille avec des programmateurs en amont, qui peuvent nous proposer des idées de sujets et nous aider à caler des tournages. Quand je reviens avec mes images, je propose ce qu’on appelle un « bout-à-bout » (BAB) : une structure pour le reportage avec les extraits d’interview que je retiens. Là, le monteur met du rythme et travaille les transitions. Je m’occupe alors de tout scripter pour les sous-titres. Ensuite, le script passe en correction, le monteur les pose sur la vidéo et les correcteurs repassent encore derrière. On ne peut pas se permettre de devoir retirer une vidéo de Facebook à cause d’une faute ! Ce sont les community managers qui s’occupent de la mise en ligne. Après, mes vidéos peuvent être reprises sur les autres réseaux, Instagram, Snapchat et TikTok.
Quelles sont les vidéos qui plaisent le plus ?
Sur Facebook, quand une vidéo fait 500 000 vues, on considère qu’elle a bien marché. On a remarqué que les gens aiment bien voir soit des gens jeunes, soit des gens très vieux. En même temps, les hommes blancs de 50 ans, on les voit moins sur Brut : quand on cherche une expertise, on va plutôt interviewer une femme, et s’il y a une histoire à raconter, on va plutôt à la rencontre des jeunes, on est attentifs aux paroles qu’on n’entend pas ailleurs.
Propos recueillis par Sophie Gindensperger, journaliste et formatrice CLEMI
Pour produire de l’information, les élèves doivent trouver des sources, cerner leur sujet et trouver un angle. En groupes, ils recherchent un sujet, soit en lien avec un thème donné par l’enseignant, soit sur proposition du groupe. Le sujet choisi doit être en lien avec un engagement ou bien être sujet à débat (cf. questions socialement vives, donnant lieu à des controverses). Il doit nécessiter l’intervention d’un témoignage, ou d’un expert. Pour traiter leur sujet, les élèves peuvent être encouragés à contacter des experts (médecins, avocats, spécialistes) ou à rechercher des témoins. Ils peuvent également mener des recherches documentaires pour trouver des propos fiables représentant le même niveau d’expertise ou de témoignage. Les élèves devront veiller à mener leurs recherches en vérifiant la fiabilité et la pertinence de leurs sources. Ces sources devront être citées dans le générique. Les vidéos Brut nécessitant des interventions face caméra, les élèves peuvent filmer leur contact ou bien jouer eux-mêmes ce rôle. Dans tous les cas, un point de vigilance sur le droit à l’image et sur les autorisations de diffusion est nécessaire (voir p. 26).
Les élèves apprennent qu’une vidéo passe par une étape de scénarisation. À l’aide de feuilles A3 et de Post-it de deux couleurs, les groupes doivent rapidement tenter de se projeter dans l’écriture d’une « story » ; pour cela il leur est proposé de différencier « ce que l’on verra » (avec une couleur de Post-it), par exemple, un expert en plan rapproché, un plan documentaire pour aérer, et « ce qui sera dit » (avec des Post-it d’une autre couleur), pour construire le story-board. En tant que projection idéale de leur production, le story-board permet de discuter avec eux de la faisabilité de leur vidéo.
Les élèves suivent leur story-board. Ils peuvent tourner dans le lycée ou bien chez eux. Un temps assez long peut leur être laissé en autonomie pour assurer ce tournage, qui sera réalisé avec le matériel des élèves (smartphones) ou bien avec des tablettes si l’établissement en dispose. La prise de son peut être faite en direct, de préférence avec un micro car la qualité du son est primordiale pour ce type de vidéo. Le format doit être vertical.
Aujourd’hui, de nombreuses applis pour smartphone de toutes marques sont disponibles gratuitement pour monter de courtes vidéos, notamment pour créer des stories sur les réseaux sociaux. Par exemple, sur Apple, i-movie supporte le format vertical. Sur Android et Apple, InShot est disponible gratuitement et permet de réaliser des montages.
Il faudra veiller à ce que le montage final corresponde aux attendus de la vidéo au format Brut, notamment avec un format vertical, entièrement sous-titrée, moins de 3 minutes. Ces éléments relevés et présentés sous forme de grille en étape 1, sont une référence tout au long de la réalisation de la vidéo. Prévoir un temps de visionnage en fin de séquence : les élèves participent à l’évaluation des productions de leurs camarades.
Iris Iriu, professeure documentaliste (académie de Lyon)