Les sujets scientifiques font l’objet de discussions, voire disputes entre spécialistes, journalistes, élus et citoyens souvent complexes à appréhender. La cartographie des controverses est une méthode qui, par le biais d’une enquête, permet aux élèves de saisir les tensions et les enjeux en présence, tout en distinguant les sources fiables et pertinentes.
On entend par « controverse » toute situation dans laquelle perdure un différend entre des groupes concernés et mobilisés ; parmi ces derniers, chacun engage des savoirs spécialisés, mais aucun ne parvient à imposer de certitudes. Autrement dit, ce qui ne suscite pas de consensus n’est pas nécessairement une controverse. De fait, il y a beaucoup de connaissances stables et assurées qui ne justifient pas une telle démarche. Par ailleurs, l’usage du terme « cartographie » est ici métaphorique : point de carte, mais un travail d’enquête au cours duquel il faut s’attacher à repérer et situer les acteurs en présence, ainsi que leurs positions à travers les énoncés qu’ils produisent et qui les constituent.
Il s’agit d’établir une vue générale et en réseau de ce qui fait problème en attachant un intérêt particulier aux moyens et modalités des preuves apportées par les différentes parties. Le cœur de la démarche consiste à prendre la mesure du processus de fabrication des faits scientifiques et combien la controverse en est un moteur. Par exemple, des travaux ont déjà été réalisés avec des classes de lycées sur les thèmes suivants : « Les salles de consommation à moindre risque » ou « Les tests de Q.I. mesurent-ils notre intelligence ? »
Le travail sur les médias et l’information constitue le point de départ, car c’est à partir de ce type de sources que les élèves prennent le plus souvent connaissance d’une controverse. Dès lors, l’étape initiale consiste à collecter dans des articles de presse des mentions d’études, de rapports ou d’articles scientifiques qui sont utilisés comme preuves à l’appui. L’utilisation des différentes rubriques de vérification des faits (factchecking) est ici précieuse et donne l’occasion d’en développer les usages.
En parallèle, un classement des articles selon le traitement du sujet est établi avec le souci d’identifier les tonalités divergentes. D’une part, cet exercice permet de faire comprendre la variété des registres d’écriture que l’on peut rencontrer dans un média — un article n’est pas équivalent à une enquête, un éditorial à une chronique, un entretien à une tribune...
D’autre part, cela fait constater des écarts dans les manières de produire l’information, ce qui implique de croiser les lectures dès qu’on envisage d’explorer un sujet : il en ressort que l’information est toujours le produit d’un prisme. Un des enjeux est bien de saisir que les médias sont des acteurs et non de simples relais de la controverse. Cela n’invalide en rien leur utilité puisqu’on en fait usage pour conduire l’enquête, mais il est ainsi perçu qu’il convient toujours d’aller au-delà de ce premier contact.
La restitution doit faire ressortir les nœuds autour desquels s’articulent preuves, acteurs et arènes de la controverse, car l’essentiel du travail réside dans l’ouverture de la « boîte noire » de la recherche scientifique – au sens le plus large puisque des rapports d’associations ou d’organisations non gouvernementales auront été consultés.
Elle peut se doubler utilement d’un travail d’écriture, inspiré du traitement du sujet par les journalistes selon les styles et positions exprimés dans les divers organes et supports médiatiques. Il est en effet tout à fait intéressant de faire produire des articles « à la manière de », mais aussi des unes, reportages audio et/ou vidéo. Chaque format médiatique est porteur de contraintes spécifiques et leur prise en compte fait réfléchir sur les cadrages retenus dans la présentation de la controverse.
Objectifs
Ressources
|
Vincent Casanova, professeur d’histoire-géographie et d’histoire des arts (académie de Créteil)