Les sites à destination des 15-25 ans ont parfaitement intégré les nouveaux formats : Melty et Konbini.com déclinent leur contenu sur Facebook, Snapchat, Instagram. Des contenus gratuits dont la nature exacte n’est pas forcément évidente à détecter. S’agit-il d’informations ou de publicité ?
Fiche ressources, parue dans le Dossier pédagogique de la SPME 2019
Créé en 2008 par deux anciens salariés d’une agence de publicité, Konbini est un site d’infotainement (infodivertissement), mêlant informations et divertissement. Accessibles gratuitement, ces contenus sont financés par de la publicité apparente (les fameuses bannières cliquables et parfaitement identifiables) et de la publicité plus discrète, appelée publi-rédactionnel et « native advertising ». En raison des systèmes de blocage de publicité, comme Adblocks, les sites ont de plus en plus recours à ces publicités discrètes.
Concrètement, le publi-rédactionnel prend la forme d’un article classique mais il est rédigé par l’annonceur. Le « native advertising » est plus pernicieux car ce n’est plus l’annonceur qui rédige le contenu, mais directement des journalistes, sur commande. Dans les deux cas, si ces contenus s’apparentent dans la forme à des contenus journalistiques classiques, ils sont censés être signalés comme étant de la publicité. Sur cette question, la loi de 2004 est tout à fait claire : « Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée ». Mais dans la pratique, ce n’est pas toujours le cas. Des médias comme Melty ou Konbini, qui visent en priorité les jeunes, ont construit leur modèle économique autour de ce type de contenus publicitaires mal identifiés. Et cela marche : selon une étude réalisée en 2015 par l’agence de marketing Contently auprès de lecteurs américains, plus de 70% d’entre eux n’arrivent pas à reconnaître qu’un contenu de type «native advertising» est une publicité et l’assimilent à un «vrai» contenu journalistique.
Alors comment se repérer ? Prenons la Une du site de Konbini du 6 septembre 20181 :
On distingue très clairement la publicité classique : l’arrière fond (à gauche, à droite et au-dessus du logo Konbini) est une publicité pour la série « The Innocents » diffusée sur Netflix. On identifie également deux bannières de publicité pour un opérateur mobile (publicité en vert). Plus compliqué, à côté du logo Konbini, on aperçoit un article intitulé « Visite : la maison éco-intelligente2 ». Au-dessus de l’image, on peut lire « partners », sous-entendant qu’il s’agit d’un partenariat, c’est-à-dire d’une publicité. Mais ce même article se retrouve à deux autres endroits sur la page d’accueil du site : dans la colonne « What’s Trending », qui agrège les contenus les plus tendance, et la colonne « Latest News », qui propose les dernières informations publiées sur Konbini. Alors, cet article est-il une publicité financée par un partenaire ou une information ? Quand on clique sur l’article, on tombe sur une grande bannière « EDF Pulse ». Sous le titre de l’article, on peut lire « par EDF Pulse » et en gris, la mention « Promoted Post ».
Cette expression « Promoted Post » est pour le moins ambiguë. En français, on pourrait la traduire par « contenu promu ». Mais promu par qui ? Même en anglais, cette formulation prête à confusion car les contenus sponsorisés sont généralement désignés sous l’appellation « Promoted by ». Quoi qu’il en soit, étant donné la signature de l’article (EDF Pulse), il s’agit bien d’une publicité pour EDF.
Autrement dit, le 6 septembre 2018, sur le haut de la page d’accueil de Konbini, seuls trois articles étaient des contenus journalistiques, tout le reste était de la publicité.
Cette confusion, ou du moins le manque de transparence dans la distinction entre information et publicité, est propre à ce type de site dont l’essentiel des revenus provient des publi-rédactionnels et du « native advertising ». Repérer un contenu sponsorisé nécessite de l’attention car les publicités ne sont jamais signalées de la même manière. Par exemple, dans la rubrique « série » de Konbini (appelée « Biiinge »), un article de mars 20173 recense les prochaines séries Netflix qui vont bientôt être diffusées. Il n’y a pas de logo « partners » sur l’image, et l’article est signé par un journaliste, Florian Ques. C’est seulement au bas de l’article que l’on peut lire la mention suivante : « Cet article a été rédigé par la rédaction de Biiinge, dans le cadre de notre partenariat avec Netflix ». En clair, c’est du « native advertising » : il s’agit d’une commande de Netflix.
On pourrait multiplier les exemples de ce type : quand ce ne sont pas des articles, Konbini publie des quiz sponsorisés4 ou consacre plusieurs articles à un programme humanitaire sponsorisé par les biscuits Prince5.
Sur Melty, on retrouve le même mélange des genres, mais poussé à l’extrême. Impossible de déterminer la nature d’un article en fonction des titres ou des images. Exemple ? L’article intitulé « Burger King t’offre des Whoppers gratuits à vie... mais à une condition ! » ressemble à une publicité pour cette chaîne de fastfood mais n’en est pas une.
En revanche, l’article intitulé « Qu’es-tu prêt à faire pour un burger de McDonald’s ? » est bien une publicité.
Dans les deux cas, ces articles sont écrits par des journalistes. Mais au bas du deuxième, en passant la souris sur un petit texte grisé indiquant « Mention et crédits », on peut lire ceci : « cet article est sponsorisé ». Un exemple supplémentaire qui montre que ni la signature, ni l’illustration, ni le titre d’un article ne permettent d’en déterminer la nature exacte. D’où la nécessité de bien chercher, en cas de doute, tous les indices permettant de distinguer un article d’une publicité.
Demandez aux élèves la différence entre publicité et information. Il est essentiel de bien définir ces deux notions car parfois les élèves ne comprennent pas les enjeux de la publicité discrète. À partir du moment où un annonceur finance un contenu, celui-ci ne s’apparente pas à de l’information, délivrée de façon indépendante par un journaliste, mais à de la publicité destinée uniquement à promouvoir une marque ou un produit.
En s’appuyant sur toutes les ressources mises à disposition sur le site du CLEMI6, demandez aux élèves d’identifier la nature exacte d’un contenu en cherchant toutes les informations disponibles : titre, nom de l’auteur, nom de la rubrique, mentions supplémentaires en haut ou en bas de page. C’est par ce travail qu’ils peuvent acquérir les bons réflexes pour identifier la nature exacte d’un contenu sur ces sites d’info-divertissement.
Sébastien Rochat, responsable du pôle Studio du CLEMI
1Toutes les ressources et les images sont disponibles à cette adresse :***/!\*** www.clemi.fr/info-pub
2« Visite : la maison éco-intelligente du futur est arrivée », Konbini.fr, août 2018
3 Florian Ques, « De Marvel's Iron Fist à 13 Reasons Why, les nouvelles séries et saisons disponibles en mars sur Netflix », Konbini, 2 mars 2017
4 « Quiz : feriez-vous confiance à un robot ? », Konbini, 25 octobre 2018
5« À seulement 10 ans, Victor collecte des fournitures scolaires pour les élèves du monde entier », Konbini, 25 octobre 2018
6***/!\*** www.clemi.fr/info-pub
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