Au commencement, il y avait La Gueule ouverte. Fondé en 1972, le « journal qui annonce la fin du monde » se fait, huit ans durant, le relais des luttes écologistes de l’époque. « Nature : les carottes sont cuites », affichait en une cette publication cinglante qui accompagnait le militantisme écologiste post-hippie. Cinquante ans plus tard, c’est tout un écosystème de médias écolos qui bourgeonne pendant que l’urgence climatique se fait plus pressante que jamais. Des publications qui se sont donné la charge de rectifier le récit des médias généralistes, trop souvent amenés à illustrer des articles sur les canicules avec d’innocentes images de baignade. Passage en revue de quatre médias à l’avant-garde des questions écolos.
C’est le plus ancien quotidien d’information sur l’écologie, et l’un des plus identifiés. Reporterre a d’abord été un magazine, en 1989, avant d’être relancé sur Internet en 2007 par le journaliste Hervé Kempf. En 2013, le site se professionnalise en prenant appui sur la mobilisation autour de Notre-Dame-des-Landes. « Reporterre est une chambre d’écho aux mouvements sociaux et de lutte, fait savoir Kempf. Parler du changement climatique, de la biodiversité est essentiel mais c’est parfois compliqué de savoir comment agir en tant que citoyen. Nous, on fait savoir aux uns et aux autres que les gens se bagarrent. » Indépendant, le journal est en accès libre, sans publicité, sans actionnaire, financé à 97 % par les dons de ses lecteurs.
Vert, « le média qui annonce la couleur », est une newsletter apparue en janvier 2020 sous l’impulsion de Loup Espargilière. Sur la base d’un constat : « On a une défaillance du journalisme en matière d’écologie qui a trop souvent tendance à oublier l’aspect social, deux thèmes pourtant intimement liés ». Dans Vert, le récit de l’écologie ne se veut ni ennuyeux ni culpabilisateur. « On essaie de ne pas mettre le poids des décisions du gouvernement ou d’un système sur les individus », dit Espargilière. Outil de vulgarisation pour le grand public, la newsletter permet de s’informer tous les jours en sept minutes chrono. Là aussi, le modèle est 100 % indépendant, sans publicité, financé grâce aux dons, aux abonnements à destination des collectivités et à des formations dispensées en entreprise.
Lancé en novembre 2022, Vakita est un média en ligne dédié aux questions environnementales et de justice sociale, création du journaliste Hugo Clément. Un « média d’action » empruntant son nom à un animal marin en voie de disparition – le vaquita – qui produit notamment des enquêtes vidéos sur des désastres écologiques ou des cas de souffrance animale. « j’estime que les médias ont pour responsabilité de mettre en avant les discours scientifiques ou de dénoncer les industries qui détruisent notre capacité à vivre sur cette planète », déclarait ainsi Hugo Clément au Parisien au moment de présenter son média. Financé pour une part grâce à des investisseurs comme Xavier Niel le fondateur de Free, Vakita est surtout accessible sur la base d’un abonnement mensuel de cinq euros.
Avec l’écologie érigée en contre-culture, Climax veut marquer sa différence dans les médias dédiés à l’environnement. « On essaye de raconter la crise climatique de façon engagée et sarcastique, raconte Dan Geiselhart, son cofondateur. On a constaté qu’elle était souvent traitée dans les médias de deux manières : par-dessus la jambe dans beaucoup de médias généralistes, ou de manière très anxiogène, ce qui peut être démobilisateur. Nous choisissons de traiter la question environnementale de façon positive, mais sans se voiler la face. » Lancé sous la forme d’une newsletter hebdomadaire payante, Climax se décline depuis juin 2022 en fanzine avec des angles originaux et un certain soin apporté au visuel.
Adrien Franque, journaliste à Libération