En alimentant un compte Twitter ou une chaîne YouTube, vous produisez de l’information, et dans le même temps, vous donnez des informations sur vous en laissant transparaître vos opinions ou vos centres d’intérêts. C’est ce qu’on appelle "l’identité numérique". Parfois, ces informations distillées sur les réseaux sociaux peuvent poser problème en termes de réputation. Illustration avec la consigne de la direction de l’un des principaux quotidiens américains, le New York Times, qui a demandé à ses journalistes de ne plus (du tout) donner leur opinion sur les réseaux sociaux.
Fiche Ressources, parue dans le Dossier de la Semaine de la presse, 2018
Depuis plusieurs mois, la maison Blanche a pris l’habitude de fustiger le parti pris anti-Trump dont feraient preuve les journalistes du New York Times. Parmi ceux qui couvraient la présidence, l’un d’eux, Glenn Thrush, a ainsi exprimé régulièrement des positions très marquées contre Donald Trump. Exemples? Dans plusieurs tweets en août dernier, le journaliste s’en est pris frontalement à la stratégie de communication du président, à sa gestion de la maison Blanche et à sa côte de popularité.
"Les tweets de ce matin cherchent à montrer que Trump, que les Américains n’aiment pas (et ils n’ont pas confiance en lui), est FORT. Le marketing gouverne", a-t-il lancé le 11 août 2017, au milieu de piques plus indirectes envers le gouvernement américain.
Autre tweet tout aussi critique :
"Trois pré-requis pour toute annonce politique de Trump : Ne jamais admettre qu’Obama ait pu faire de bonnes choses.
Dire "Gagner".
Ne donner aucun chiffre."
Dernière salve :
"Qu’est-ce que vous faites quand votre popularité est entre 33% et 38%, que vos initiatives législatives font un flop et que vous êtes à la tête de la Maison Blanche la plus chaotique de l’Histoire? Vous lancez des polémiques."
Si le journaliste a depuis décidé de fermer son compte Twitter pour éviter d’y perdre trop de temps, selon ses propres dires, les tensions restent fortes entre l’administration et les journalistes du quotidien.
C’est dans ce contexte que le 13 octobre 2017 a marqué un tournant pour les journalistes du New York Times. Le quotidien américain a annoncé ce jour-là une mise à jour des recommandations qui leur sont faites concernant l’utilisation des réseaux sociaux. Concrètement, les journalistes n’ont plus le droit "d’exprimer des opinions partisanes, promouvoir des opinions politiques, soutenir des candidats [ou] faire des commentaires insultants", sous peine que l’infraction soit indiquée dans leur "rapport de performance". Les journalistes doivent par ailleurs "éviter de rejoindre des groupes privés qui pourraient avoir une orientation partisane sur Facebook ou d’autres plateformes». Plus spécifique : les journalistes sont invités à ne plus "se plaindre sur les réseaux sociaux" auprès des services clients. Enfin, ils doivent systématiquement "traiter avec respect" leurs interlocuteurs sur Twitter ou Facebook et éviter tout simplement de répondre aux messages agressifs.
Pour justifier ces changements, le communiqué du journal cite un des correspondants à la maison Blanche du journal :
"Il est important d’avoir en tête que les tweets sur le Président Trump par nos journalistes sont pris comme des déclarations du New York Times en tant qu’institution, même dans le cas de journalistes qui ne travaillent pas sur la Maison Blanche."
Faire s’interroger les élèves sur leurs propres pratiques pour les comparer : Que publiez-vous sur Internet? Qu’est-ce qui est public, qu’est-ce qui est privé ?
Enquêter sur un individu (un parent, un ami) en cherchant uniquement des informations en ligne. Les interroger sur le décalage (potentiel) entre identité et identité numérique.
Travailler sur la distinction entre information et commentaire, en prenant l'exemple d'un live-tweet factuel d'un journaliste (lors d'un procès par exemple) comparé à des prises de position sur Twitter.
Ressources
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Vincent Coquaz, journaliste et formateur, Pôle Labo, CLEMI