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Comme n’importe quelle interview, l’interview sportive se travaille en amont. Mais puisque le journaliste ne peut pas prédire l’issue d’une compétition, il doit se préparer minutieusement aux diverses éventualités. Dans l’interview que nous avons choisie en guise d’étude de cas, Tony Parker vient de remporter le titre de champion NBA, mais aussi de recevoir le titre de meilleur joueur de la finale, une première historique pour un joueur européen. « Après les trois premiers matchs de la finale, cela pouvait être lui ou son coéquipier Tim Duncan, raconte Olivier Pheulpin. C’était donc un angle potentiel très fort. » Un angle que le journaliste a donc préparé et que l’on retrouve très clairement dans l’interview réalisée à la fin du match, puisque la moitié des questions portent sur cette récompense individuelle, alors même qu’un titre collectif vient d’être remporté.
Après une telle réussite, le basketteur est dans un état euphorique avec lequel va devoir composer le journaliste sportif. Celui-ci doit s’adapter aux émotions de ses interlocuteurs qui peuvent sortir d’une victoire magnifique ou d’une défaite cruelle. « Il y a toujours un plan de départ, mais il tient rarement la route jusqu’au bout, explique Olivier Pheulpin. C’est un numéro d’équilibriste, on est souvent obligés de décider entre se laisser guider par le sportif ou se tenir à tout prix à son fil conducteur. » En cas de grosse déception sportive, il faut être capable « de se montrer très humain, d’y aller par petites touches » tout en essayant, autant que possible, de ne pas « tuer ou dénaturer » l’émotion de l’instant. Un objectif encore plus délicat à atteindre en presse écrite, où l’on propose au lecteur de revivre un instant déjà passé. « Ici, je trouve que l’émotion reste perceptible, note Olivier Pheulpin. Tony Parker se lâche, il exprime son bonheur sans retenue et ça se ressent. » Un plaisir, donc, pour le journaliste sportif, souvent confronté à la langue de bois. Au très haut niveau, les athlètes bénéficient en effet de séances de media-training pour les aider à assumer leurs obligations médiatiques et qui les amènent à utiliser des formules toutes faites. « Certains joueurs ouvraient constamment le robinet d’eau tiède et répondaient comme des robots, se souvient Olivier Pheulpin.
Alors, il faut être patient pour les amener à sortir de ça. Et ensuite on dégraisse, on peut avoir 30 000 signes de notes pour 4 000 signes d’interview au final. » Une possibilité offerte aux journalistes de presse écrite, mais dont ne disposent pas leurs collègues de radio ou de télé, souvent contraints de terminer leurs interviews en direct après n’avoir récolté que des propos aseptisés. En presse écrite, une fois l’interview effectuée, il reste bien sûr à… l’écrire. Comme pour toute interview, il faut arriver à rester fidèle à ce qui s’est dit, tout en gommant les imperfections d’un discours prononcé à chaud après un effort physique important. « Il y a des petites choses corrigées, comme les tics de langage, explique Olivier Pheulpin. Par exemple, à l’époque de cette interview, Tony Parker répétait très souvent “tu vois”. Ici, je les ai enlevés mais quand il évoque un “truc de ouf”, je l’ai laissé parce que c’est l’expression de son émotion. Au final, il faut quand même que les gens qui le connaissent ne se disent pas “là, ce n’est pas lui qui parle”. »
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Pistes pour la classe : analyser et réaliser une interview sportive. Sélectionner une interview sportive (presse écrite, radio, TV ou réseaux sociaux) et faire identifier aux élèves l’angle principal, les éléments qui apportent de l’information (des faits) et ceux qui relèvent de l’émotionnel ou du subjectif. Faire réaliser aux élèves une interview (rencontre USEP ou UNSS par exemple) : identifier plusieurs angles possibles en amont, réaliser l’interview et la retranscrire en veillant à l’équilibre entre niveau de langue et authenticité. |
Xavier Gillet, formateur au CLEMI
SOUANEF, Karim. Le journalisme sportif - Sociologie d’une spécialité dominée. PU Rennes, Res Publica, 2019.