Les technologies du satellite et d’Internet, en améliorant les conditions de diffusion, génèrent une vision idéalisée de la circulation de l’information à l’échelle mondiale, où les frontières seraient abolies. Pourtant le nouvel âge informationnel n’échappe pas aux logiques géopolitiques et économiques.
Fiche info, parue dans le Dossier pédagogique de la SPME 2019
Il fut un temps où le partage de photographies se faisait par l’envoi de négatifs par la poste. Voilà qui paraît bien loin du dixième de seconde que prend désormais la publication d’un cliché sur les réseaux sociaux. L’avènement d’Internet semble ouvrir tous les possibles. Mais la technologie n’est pas neutre, et le constat aujourd’hui n’est pas celui-ci. Trente ans après la chute du mur de Berlin, la tentation nationaliste, le retour aux frontières et la mise en cause du multilatéralisme percutent l’idéal d’une mondialisation heureuse de l’information que favoriserait un Internet du partage, capable d’abolir les limites spatiales et temporelles.
La circulation de l’information par-delà les frontières nationales est depuis le XXe siècle un enjeu des relations internationales. Longtemps dominée par le Royaume-Uni, avec l’agence Reuters et le réseau BBC, l’information mondiale devient de plus en plus américaine après la Seconde Guerre mondiale, symbolisée notamment par l’agence Associated Press ou encore la chaîne d’information en continu CNN, fondée en 1980. Les démocraties occidentales ont toujours cherché à disposer de leurs propres canaux d’information : le Royaume-Uni avec la BBC, la France avec l’Agence France Presse, la télévision France 24 mais aussi Radio France International (RFI).
Aujourd’hui, la bataille d’influence prend des formes diverses, mais c’est sur le front de la production d’images qu’elle se matérialise : plusieurs États ont tenté de contrer l’hégémonie des démocraties occidentales en lançant leur propre média. À commencer par le Qatar, qui a financé Al Jazeera en 1996, s’imposant dans le monde arabe, puis dans le monde occidental avec sa déclinaison en anglais. En Russie, le pouvoir finance la chaîne Russia.
Today, qui diffuse en anglais avec des déclinaisons en espagnol, en arabe et français, pour asseoir son influence. En Chine, le parti unique a fait de même avec la création de China Central Television News (CCTV). Autant d’initiatives qui s’apparentent à des instruments diplomatiques, voire des organes de propagande pour certains de ces États dont les atteintes à la liberté d’expression sont régulièrement signalées par l’association Reporter Sans Frontières.
Les réseaux sociaux sont désormais le symbole de ce nouvel espace partagé. Les GAFA(M) (Google Amazon Facebook Apple Microsoft), de par leur poids économique, ont acquis un rôle prédominant dans la régulation des flux d’information, s’attirant de nombreuses critiques quant à leur politique éditoriale. Les fake news tirent parti de ces nouveaux outils de diffusion. Celles-ci, aussi, se mondialisent, avec un affaiblissement de la chaîne de vérification.
Les journalistes eux-mêmes cherchent à tirer parti de cette mondialisation de l’information. Le Consortium international des journalistes d’investigation (International Consortium of Investigative Journalists) est une organisation à but non lucratif, fondée en 1997 par le journaliste américain Charles Lewis et le Center for Public Integrity. Aujourd’hui, ses 200 membres, répartis dans 70 pays, enquêtent dans un esprit de collaboration et non de concurrence. Ce consortium est à l’origine de la célèbre enquête des Paradise Papers qui a révélé les activités offshores de nombreuses personnalités et multinationales, à partir de 13,4 millions de documents fuités.
POUR ALLER PLUS LOINRessources
|