Monod News, c’est le journal du lycée Jacques Monod de Saint-Jean-de-Braye (45). Un journal qui a la particularité d’être encadré à la fois par la professeure-documentaliste, Cécile Durrheimer, et par une journaliste professionnelle, Elodie Cerqueira. Dans cette interview croisée, sont dévoilés les avantages de ce double accompagnement pour permettre aux élèves de produire un média scolaire de qualité.
La rubrique des petites infos. Pour parler politique ou géopolitique, Monod News opte régulièrement pour le genre de la revue de presse. Une façon d’aborder certains sujets difficiles grâce à des sources diverses.
Les critiques de films. Les élèves de Monod News aiment le cinéma et le disent. C’est un regard aiguisé qu’ils posent sur les films anciens comme sur ceux qui font l’actu. De La Vie est belle de Frank Capra au récent Barbie de Greta Gerwig, ils nous livrent leur avis toujours argumenté.
Les articles sur la vie du lycée. “Eco-délégués au lycée : pour quoi faire ?” , “Journée mondiale de lutte contre le harcèlement scolaire à Monod” , “Secondes : comment s’est passée la rentrée ?” : lire Monod News, c’est aussi pour les élèves et les familles en savoir plus sur ce qui se passe au sein de la communauté scolaire. Un partage précieux de la vie du lycée.
“ UN JOURNALISTE N'EST PAS UN ENSEIGNANT, UN ENSEIGNANT N'EST PAS UN JOURNALISTE. PAR CONTRE ON A TOUT INTÉRÊT À BOSSER ENSEMBLE.”
Cécile Durrheimer, vous êtes professeure documentaliste au lycée Jacques Monod de Saint-Jean-de-Braye (45). Quelle est l’histoire de ce média scolaire ?
C. Durrheimer : Le journal est né en 2015 en format papier. Il s'appelait à cette époque Le MonodLOG et puis certains élèves ont dit que ce serait mieux de passer en format numérique. Donc il est devenu le MonodLOG Online, avant de devenir, suite à un sondage auprès des lycéens, le Monod News.
Comment est née la collaboration entre vous et la journaliste Elodie Cerqueira ?
C. Durrheimer : Depuis que je m'occupe du journal, j'essaie de le faire sérieusement. Bien sûr, je me référais au site du CLEMI, à l'association Jets d’encre, à l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne. A l'occasion d'un stage à l'Ecole de journalisme de Tours, j'ai rencontré le directeur, Laurent Bigot, qui nous a dit qu’il ne fallait pas hésiter à solliciter les journalistes, les élèves journalistes pour travailler sur des médias lycéens. Je l’ai fait l’année d’après et, par son intermédiaire, j'ai été en contact avec Elodie Cerqueira qui a tout de suite été d'accord pour accompagner le journal. On a eu le soutien du chef d'établissement qui a accordé un petit budget pour qu'on puisse l'accueillir quelques heures.
Elodie Cerqueira, vous êtes journaliste professionnelle indépendante, vous travaillez pour la presse régionale en Centre-Val de Loire et aussi pour la presse nationale, comment en êtes-vous venue à intervenir dans un établissement?
E. Cerqueira : J'ai fait une reconversion professionnelle en 2018 : j'ai repris mes études et j'ai été formée à l'École publique de journalisme de Tours. Cela me paraissait évident, en plus de faire du journalisme, de faire de l'Éducation aux médias et l'information. J'ai donc continué à m'auto-former, à rencontrer des gens, à participer à des conférences, à me saisir aussi des travaux scientifiques sur le sujet. Et très vite, j'ai été en relation avec la coordonnatrice du CLEMI de l’académie d’Orléans-Tours, Karen Prévost-Sorbe, et c’est par son intermédiaire que les choses se sont faites.
Le lycée Jacques Monod m'a sollicitée pendant le Covid, en plein confinement, pour un sujet un peu difficile : un élève voulait parler de laïcité. C'est un sujet qui peut être, quand il est mal saisi, difficile à traiter et la professeure-documentaliste avait besoin d'un regard journalistique pour accompagner ce jeune qui avait vraiment à cœur de faire cet article. J'ai accompagné l'élève et Madame Durrheimer sur ce sujet-là, ça a matché donc on a continué à travailler ensemble. On ne peut pas tout demander, en termes d'Éducation aux médias et à l’information aux professeurs documentalistes. De la même façon qu'un journaliste n'est pas un enseignant, un enseignant n'est pas un journaliste. Par contre on a tout intérêt à bosser ensemble.
Dans quel cadre intervenez-vous, au lycée Jacques Monod ?
E. Cerqueira : A Jacques Monod, j'ai bénéficié pendant deux ans d'une subvention de la DRAC à la suite d'un appel à projets. Ce sont des projets que je travaille en amont avec les enseignants. Le lycée Jacques Monod a une forte demande, pour le média scolaire et pour certains enseignants qui ont envie de mettre en place des ateliers d'Éducation aux médias. Je co-construis toujours mes ateliers avec les enseignants. Je n'arrive pas avec un kit tout prêt. J'essaie de faire des choses qui entrent aussi dans les programmes scolaires. A terme, le but est de rendre les enseignants un peu plus autonomes pour que l'enseignant acquière ses propres compétences. Cela peut être sur trois, quatre séances, parfois seulement sur une séance parce que l’enseignant ne peut pas libérer plus d'heures que cela.
A Jacques Monod, pour le suivi du média scolaire, on essaie de faire des réunions mensuelles pour tenir l'équipe. Tenir une équipe de jeunes qui s’investit dans le long terme dans le média, ce n’est pas toujours évident, et avoir des rendez-vous réguliers, cela permettait de garder une équipe jusqu’au bout de l’année scolaire.
Qu’apporte un journaliste dans un projet de média scolaire ?
C. Durrheimer : Elodie apporte sa crédibilité et son sérieux. Grâce à elle on a eu des objectifs d'organisation : elle a beaucoup insisté pour qu'on fasse des plannings, qu'on essaie de prévoir les articles à l'avance etc. Et puis, la manière dont on source les informations, dont on fait les recherches, travailler les chapeaux, travailler les chutes… elle fait de la relecture et de l'aide à la rédaction avec des élèves. Moi je fais de l'accompagnement du journal parce que mon objectif est que chaque élève arrive à produire. Elle a essayé d'expliquer aux élèves que le média est vraiment un lieu où on essaie d'objectiver les informations, quitte à un moment à donner une opinion mais en s'appuyant sur des faits, pas seulement sur un ressenti, sur une émotion. A partir de ce moment-là, on peut parler de tous les sujets.
E. Cerqueira : Pour les élèves, le journaliste est une caution. Il y a aussi un côté professionnalisant qui est gratifiant, il y a donc un meilleur engagement de leur part.
En tant que journaliste, on fait un petit rappel à la loi sur la liberté d'expression : les élèves eux-mêmes, quand ils travaillent dans un média scolaire, ont des responsabilités. Même quand il s'agit d'agréger des informations. Il faut savoir où trouver les bonnes informations et les plus fiables, déjouer un peu les dangers qu'on peut trouver sur internet.
Le journaliste va apporter tout son savoir professionnel. Notre rôle à jouer, en tant que journaliste, c'est cet apport terrain. On sait comment on fabrique l'info. On sait comment on la vérifie. Aujourd’hui, il y a quand même une défiance vis-à-vis des médias qui est énorme, probablement justifiée malheureusement, parce qu'on ne fait pas tous bien notre métier, parce qu'on n'a pas tous les conditions correctes pour l'exercer de la bonne façon. C’est un peu triste que les gens ne croient plus en nous. La liberté d’expression, la liberté d'information sont des piliers d'une démocratie : c'est ça qu'on a à leur transmettre. On ne fait pas du journalisme n'importe comment. C'est un apprentissage, c'est une formation. Il ne faut pas juste avoir des idées et les coucher sur papier ; il y a une façon de le faire, c'est nous qui en sommes garants et c'est ce qu'on peut transmettre.
Qu’est-ce qui vous plaît dans le fait de travailler sur un média scolaire ?
C. Durrheimer : Moi ce qui motive, ce sont les liens qui sont créés avec les élèves. Pour moi, le journal du lycée ne doit pas être une activité périphérique pour juste s'amuser, c’est quelque chose de sérieux. Je veux leur faire découvrir la face cachée du métier de journaliste, la recherche, la rigueur, les exigences, mais aussi le plaisir d'arriver à la publication d'un article qui se tient.
E. Cerqueira : Moi j'adore les jeunes. Je me dis que l'avenir est entre leurs mains. Ils ont une vivacité qui me fascine. Ils ont déjà de grandes compétences ; ce qui leur manque, c'est l'expérience de vie. Ils ont aussi la modernité : il ne faut pas oublier qu'on est face à des outils aujourd'hui qui avancent très vite. Je n’ai pas leur pratique technique même si je fais des efforts. Et ils ont un regard, qui n'est pas le même que le nôtre, un regard de jeunes et ça c'est intéressant ! Moi ça m'évite de m'encroûter dans des certitudes d'adulte.
Comment faire, quand on est enseignant, et que l'on veut bénéficier de l’accompagnement d’un journaliste pour son média scolaire ?
C. Durrheimer : Il faut essayer d'aller voir une école de journalisme, essayer de rencontrer un professionnel des médias et demander s'il connaît tout simplement un journaliste qui serait prêt à participer à un journal lycéen. Maintenant, ça peut être payé par le pass Culture, donc ça facilite les choses pour une intervention. Certains parfois peuvent le faire de façon bénévole aussi (plutôt les étudiants en école de journalisme). Il faut aussi aller voir les médias locaux. Il y a toujours des gens qui sont prêts à participer.
NDLR : N'hésitez pas à contacter le coordonnateur / la coordonnatrice de votre académie.
Propos recueillis par Maud Moussy et François Rose, le 14 décembre 2023