Face à l’explosion des pratiques numériques des enfants et des jeunes, quelles sont les recommandations des experts ? Petite compilation des analyses et conseils à retenir !
Par Fanny Morange, coordinatrice à la Délégation éducation et société, Réseau Canopé.
Pour se repérer, le pédopsychiatre Serge Tisseron propose la règle des 3-6-9-12. Il s’agit de l’âge des enfants : 3, 6, 9 et 12 ans, une affiche synthétique est disponible en téléchargement (PDF - 4,67 Mo).
« Les repères spaciaux sont construits à travers toutes les interactions avec l’environnement qui impliquent ses sens, les repères temporels sont construits à travers les histoires qu’on lui raconte et les livres qu’il feuillette. Évitez la télévision et les DVD, dont les effets négatifs sont démontrés. Les tablettes tactiles ne sont pas prioritaires : elles peuvent être utilisées en complément des jouets traditionnels, mais toujours accompagnées, sans autre but que de jouer ensemble, et de préférence avec des logiciels adaptés. »
« Évitez la télévision et l’ordinateur dans la chambre. Établissez des règles claires sur le temps d’écrans et respectez les âges indiqués pour les programmes. Préférez les jeux vidéo qu’on joue à plusieurs à ceux qu’on joue seul : les ordinateurs et consoles de salon peuvent être un support occasionnel de jeux en famille, voire d’apprentissages accompagnés. N’offrez pas une console ou une console personnelle à votre enfant : à cet âge, jouer seul devient rapidement stéréotypé et compulsif. »
« Évitez la télévision et l’ordinateur dans la chambre. Établissez des règles claires sur le temps d’écrans et respectez les âges indiqués pour les programmes. Paramétrez la console de jeux du salon. À partir de 8 ans, expliquez-lui le droit à l’image et le droit à l’intimité. »
« Continuez à établir des règles claires sur le temps d’écrans. Déterminez avec lui l’âge à partir duquel il aura son téléphone mobile.
Rappelez les particularités d’Internet :
« Votre enfant “surfe” seul sur la Toile, mais convenez d’horaires à respecter. Évitez de lui laisser une connexion nocturne illimitée depuis sa chambre. Discutez avec lui du téléchargement, des plagiats, de la pornographie et du harcèlement. Refusez d’être son “ami” sur Facebook. »
Serge Tisseron proscrit une utilisation des écrans supérieure à 1 heure 30 par jour pour les enfants de 3 à 5 ans et à 2 heures pour les plus de 6 ans. Le neuroscientifique Michel Desmurget, plus alarmiste, note des effets négatifs dès 30 minutes (A. Feertchak, « Michel Desmurget : “La télévision nous coûte presque trois ans d’espérance de vie” », Le Figaro, 26 octobre 2016.) Quant à l’Académie américaine de pédiatrie, elle déconseille la télévision avant 2 ans et préconise que les jeunes enfants ne la regardent pas plus d’une heure par jour.
Le spécialiste en santé publique Frederick Zimmerman met en garde sur les dangers liés à une surconsommation de télévision avant 3 ans : « Les enfants qui regardent la télévision plus que la moyenne avant l’âge de 3 ans auront des capacités nettement inférieures en lecture et en mathématiques, lors de leur entrée à l’école primaire. La télévision avant l’âge de 2 ans entrave sérieusement le développement du langage, même si la télévision en question est faite de vidéos “éducatives” spécifiquement destinées aux bébés. » (S. Foucart, « Frederick Zimmerman : “La façon dont la télévision est utilisée est un problème de santé publique” », Le Monde, 7 octobre 2011.)
Selon le programme d’étude sur les liens et l’impact des écrans sur l’adolescent scolarisé, la pratique du jeu vidéo en réseau contribue à alimenter, voire stimuler, les échanges avec les pairs. Elle nourrit une forme de sociabilité, même si celle-ci reste le plus souvent marquée par « la faiblesse de l’engagement affectif, du fait du confinement de la relation sociale dans l’univers du jeu » (selon l’enquête Pélléas, programme d’étude sur les liens et l’impact des écrans sur l’adolescent scolarisé, 2014).
Le jeu vidéo permettrait également, selon le psychologue Michael Stora, de réparer les blessures narcissiques et de jouer un rôle cathartique en permettant à l’enfant de libérer ses pulsions de manière inoffensive (T. Gaon, M. Stora, « Soigner des jeux vidéo/Soigner par les jeux vidéo », Quaderni, n° 67, 2008).
On peut néanmoins déplorer le risque de dépendance et la violence omniprésente des jeux vidéo : au collège, 8 garçons sur 10 auraient déjà joué à un jeu déconseillé aux mineurs, comme « Call of Duty »… (I. Obradovic et al., « Écrans et jeux vidéo à l’adolescence. Premiers résultats de l’enquête Pélléas », OFDT, décembre 2014).
Quant à la tablette, elle reste déconseillée pour les plus jeunes : même si elle induit une interaction, elle prive l’enfant d’une appréhension du « monde avec ses cinq sens » comme des échanges verbaux avec ses parents, essentiels, entre autres, au développement du langage (« Les tablettes brouillent les capacités d’adaptation des tout-petits », entretien avec Sabine Duflo, Neurocience fictions, 2016).
La méthode des quatre « pas » de la psychologue Sabine Duflo :
Avec ces quatre « pas », on dégage énormément de temps pour jouer, dormir, lire, faire du sport, manger sereinement et discuter !
Notre champ visuel s’étend sur 180 degrés à l’état normal (90 degrés de part et d’autre du point que nous fixons), alors qu’il est moins sollicité devant les écrans qui n’en stimulent qu’une toute petite partie, entre 10 degrés et 40 degrés, explique le docteur Sylvie Chokron, directrice de recherches au CNRS et responsable de l’unité Vision et cognition, à la fondation ophtalmologique Rothschild (étude « Vue et audition des adolescents : comprendre et prévenir les impacts de la surexposition aux écrans et aux sons amplifiés », enquête réalisée par OpinionWay pour l’Observatoire de la santé visuelle et auditive du groupe Optic 2000. Voir aussi l’article du Dr Sylvie Chokron, neuropsychologue : « Impact des écrans sur les processus cognitifs » ). Une surconsommation d’écrans provoque de la sécheresse oculaire due à une diminution des clignements des yeux, ainsi qu’une fatigue oculaire, générée par la forte sollicitation des muscles oculaires pour faire des mises au point, et qui peut alors provoquer des maux de têtes.
L’Académie américaine de pédiatrie s’est penchée sur les conséquences des usages des écrans chez les jeunes et observe une augmentation des troubles du sommeil chez ceux qui dorment avec leurs téléphones. Générée par les diodes électroluminescentes (LED), la lumière des écrans tient éveillé, retardant l’heure du coucher et modifiant donc notre horloge interne (B. Manenti, « L’étude qui va vous dissuader d’exposer vos enfants aux écrans », Le Nouvel observateur, 25 octobre 2016).
L’Association nationale pour l’amélioration de la vue (Asnav) livre quelques conseils d’ergonomie visuelle pour les bébés et les enfants de 0 à 10 ans.