Samir Al-Doumy est un photographe syrien qui vit à Douma dans la banlieue de Damas. Né en 1998, il entreprend tout d’abord des études de médecine. Au début des manifestations contre le régime de Bachar el-Assad en 2011, il commence à travailler en tant que journaliste vidéo pour des médias locaux. Il est, depuis 2014, photographe indépendant pour l’AFP. Il gagne le premier prix « spot news » du World Press en 2016 pour une série de photographies des bombardements aériens du régime de Bachar el-Assad contre les forces rebelles à Douma et à Hamouria. Pour sa sécurité, son nom est un pseudonyme.
Légende AFP
Un gamer utilise son application Pokémon Go sur son mobile pour attraper un Pokémon au-dessus des ruines dans la ville assiégée de Douma, à l’est de la capitale Damas.
23 juillet 2016, Douma. © Sameer Al-Doumy / AFP.
La ville de Douma est située dans le proche nord-est de Damas dans la région de la Ghouta orientale. Le terme ghouta signifie « oasis » et désigne les terres cultivées qui entourent la capitale syrienne.
Carte de localisation 1 (Le Figaro)
Carte de localisation 2 (TV5 Monde)
La « révolution syrienne » éclate en mars 2011 dans la ville de Derra au sud du Pays. Les habitants de Douma, principale ville de la Ghouta orientale, se soulèvent eux aussi très vite contre le régime de Bachar el-Assad. Il se forme alors une poche rebelle dans cette zone géographique et c’est là que l’Armée Syrienne Libre (ASL) lance « la bataille de Damas » en juillet 2012.
En avril 2013, le régime s’empare de la ville d’Otaiba, à l’est de la Ghouta orientale, seul lieu de sortie possible pour les rebelles. Commencent alors le siège de la zone, les pilonnages intensifs ainsi que des bombardements aux gaz toxiques (Massacre de la Ghouta, le 21 août 2013).
Selon l’ONU, environ 393 000 personnes se trouvent alors assiégées, dont la grande majorité sont des civils.
La stratégie du régime est d’allier siège et bombardements massifs pour préparer une offensive terrestre (qui sera lancée en février 2018). Cette stratégie permet au régime de reprendre près de la moitié de la Ghouta orientale entre le printemps et l’été 2016 (Daraya en août et Mouadamiyat en octobre).
Au printemps 2016, deux des plus grands groupes rebelles (Jaych Al-Islam, un groupe d’obédience salafiste et Faylaq Al-Rahmane, une coalition hétéroclite issue de l’ASL) se livrent également une guerre interne qui fragilise encore le quotidien des civils.
La photographie de Sameer Al-Doumy est prise dans ce contexte particulièrement éprouvant pour les civils assiégés.
Pour approfondir, lire deux articles du Monde :
Le jeu vidéo mobile gratuit en réalité augmentée « Pokémon Go » est lancé en juillet 2016 par deux entreprises : l’entreprise Pokémon Company qui gère et développe la marque Pokémon dans le monde et la société Nantic, spécialisée dans les jeux vidéo et ex start-up interne à Google. Cette dernière société a été créée en 2010 par John Hanke, directeur de la division Google géo (Google Maps, Google Earth).
D’abord lancé dans des zones tests (Nouvelle Zélande et Australie le 5 juillet 2016, États-Unis le 6 juillet), le jeu s’étend à de nombreux autres pays en juillet et août 2016. En France, le lancement du jeu initialement prévu le 15 juillet est retardé en raison de l’attentat de Nice du 14 juillet. Il s’effectuera finalement le 24 juillet 2016. En Syrie comme dans de nombreux pays en guerre, les joueurs jouent sur des versions piratées.
Pokémon Go est un jeu virtuel qui utilise la réalité augmentée et la géolocalisation pour trouver et capturer des Pokémons, créatures virtuelles, cachés dans des lieux réels (« Tout savoir sur « Pokémon Go », le jeu phénomène auquel vous ne pouvez pas (encore) jouer », Le Monde, 12.07.2016).
Le jeu est vite devenu très populaire et le site Guinness annonçait pour Pokémon Go le 10 août 2016 : record du nombre de téléchargement en un mois pour un jeu mobile (130 millions de téléchargements), record de revenus générés en un mois par un jeu mobile (206,5 millions de dollars), record du jeu mobile le plus téléchargé simultanément dans 70 pays.
La photo de Sameer Al-Doumy a largement été utilisée par les médias en ligne, juste après la sortie du jeu, en juillet et août 2016. On la retrouve sur de nombreux sites officiels d’information (France TV info, VSD, Le Temps, l’Obs, CBC New, Mouv’ de Radio France, etc.) :
Cette photographie a été exposée sur les murs de la chapelle de Bayeux en 2017, dans le cadre d’une exposition présentant le travail de seize photographes syriens à l’occasion du prix Bayeux Calvados des correspondants de guerre (lire un article de Konbini sur l'exposition).
Liens pour consulter d’autres photos de Sameer Al-Doumy prise le même jour sur le même sujet à Douma :
- En quoi cette photographie montre-t-elle la guerre en Syrie ?
- En quoi le regard d’un photographe natif d’un lieu de conflit peut-il être différent de celui d’un envoyé spécial ? Voir le making of de l’AFP «Étincelles d’espoir » : https://making-of.afp.com/etincelles-despoir.
Lire notamment la 3e partie de Sameer Al-Doumy, « Échapper à la réalité » : « Je crois que les images de la vie quotidienne font plus d’effet aux Syriens que les images de guerre. Tout le monde est fatigué de cette guerre. Les gens la vivent quotidiennement et ils ne rêvent que de s’aérer l’esprit, d’oublier un instant les durs moments qu’ils sont en train de vivre ».
Et aussi : http://www.polkamagazine.com/ces-photographes-dont-vous-ne-connaissez-pas-les-noms/
En prolongement, montrer le travail de deux plasticiens syriens, Saif Aldeen Tahhan et Khaled Akil. Attirer l’attention sur l’appel à l’aide d’enfants syriens tenant des dessins de Pokémons dans les mains sur les réseaux sociaux :
Syria GO : un Pokémon GO dans une Syrie en ruines, Mouv', Radio France, 20/7/2016.
En Syrie, des Pokémons en larmes parmi les ruines, L'Express, 22/7/2016.