Depuis septembre 2016, plusieurs médias français dont Le Monde, Paris Match, L’Equipe, Melty, Konbini ou plus récemment L’Express, publient une édition spécialement conçue pour l’application Snapchat. Pour y accéder, il faut se rendre dans l’onglet « Découvrir » de l’application (en faisant défiler l’écran vers la droite). Vous trouverez ainsi les éditions des médias partenaires de Snapchat, au milieu de « stories » d’autres internautes «influenceurs ».
Concernant le contenu, on trouve par exemple sur le Snapchat du Monde trois brèves sur les actualités « chaudes » de la journée, et plusieurs articles pédagogiques comme par exemple, lors de la naturalisation de Mamoudou Gassama (le jeune malien qui a sauvé un enfant qui allait tomber d’un balcon) un contenu sur « Comment devient-on français ? »
Ces médias ne s’en cachent pas, avec Snapchat, ils veulent "conquérir un nouveau public", explique par exemple L’Equipe. Comprendre : toucher les jeunes, notamment de 15 à 24 ans, massivement utilisateurs de Snapchat. Avec 8 millions d’utilisateurs quotidiens dans le pays, "il y a aujourd’hui, en France, plus d’utilisateurs quotidiens de Snapchat que de téléspectateurs du journal télévisé de TF1" avance de son côté Le Monde. Surtout, selon Médiamétrie, 51% des 15-24 ans français utilisent quotidiennement le réseau social, qui est devenu au niveau mondial le plus apprécié des jeunes, devant Twitter ou Facebook.
Pour toucher ce très large public, il faut se conformer à des contraintes très spécifiques, édictées par Snapchat. Car "contrairement aux Facebook ou YouTube, qui hébergent les contenus de tous les volontaires, Snapchat a une logique d’éditeur", explique à Slate l’ancien rédacteur en chef du site du Monde, Michael Szadkowski. Ainsi, "pour être sélectionné, il faut d’abord produire des éditions pilote pendant plusieurs semaines (2 semaines et 60 contenus tests pour Paris Match, 4 semaines et près de 330 contenus tests pour Le Monde), que Snapchat regarde ensuite, avant de donner son accord".
Il faut ensuite s’engager à fournir quotidiennement des contenus spécialement réalisés pour Discover et qui "soient cohérents avec les codes du réseau" comme par exemple la "vidéo verticale" ou les "textes sur les images". Chaque média doit ainsi "composer une équipe d'au moins quatre personnes à temps plein" pour Snapchat Discover, précise France Inter. Des contraintes qui agacent certains patrons français : "Ils imposent des contraintes qui n’ont aucun sens", fustige ainsi le patron des groupes Les Echos-Le Parisien, Francis Morel.
En échange, Snapchat partage les revenus générés par les publicités (vidéo, avec le son) intercalées entre deux articles. Mais impossible de connaître ces chiffres en raison d’accords de confidentialité signés avec les médias partenaires.
Fin 2017, Snapchat revendiquait 10 millions de lecteurs actifs mensuels sur Snapchat Discover, répartis sur 17 médias partenaires, (sachant qu'un lecteur est à même de lire plusieurs contenus des médias sur Discover).
Du côté du Monde, 7 personnes travaillent à plein temps sur l’édition Snap (dont deux « motion designers » en charge de mettre en forme l’information). Interrogé par Les Echos, Jean-Guillaume Santi, responsable de l’édition Snapchat du Monde, estime que le bilan est « très positif avec 4 millions de lecteurs uniques par mois, dont 80 % ont moins de 25 ans. C'était l'objectif premier : toucher une audience qui ne se rend pas sur notre site Web, voire qui ne nous connaît pas du tout, et qui attend qu'on aille lui proposer de l'information directement sur le réseau social qu'elle utilise. »
Idem du côté de L'Équipe (4 millions de lecteurs uniques par mois), Vice (5,2 millions) ou encore Cosmopolitan (5 millions), où «l'on se félicite également d'être parvenu à capter l'attention des Millennials si chers aux grandes marques».
«Mais avec les lourds investissements consentis pour être présents sur Discover, tout particulièrement en termes de recrutement, les médias ne rentrent pas dans leurs frais», estime les Echos. « Ce modèle n'est pas encore rentable. Certains mois, nous sommes à l'équilibre. D'autres, non. Mais nos revenus sont en progression ", confie aux Echos Emmanuel Alix, directeur du pôle numérique de L'Equipe.
Est-ce rentable ? La plupart des rédactions assurent que Snapchat Discover les a conduits à réinventer des formats et développer des savoir faire qu’ils pourront utiliser sur d’autres plateformes. Le site de l’ADN évoque même une « Snapchatisation » de l’info : contenus synthétiques, infographie au format mobile. Exemple ? Dans son application, Le Figaro met en forme l’information avec les mêmes codes que Snapchat Discover, mais en dehors de la plateforme.
Vincent Coquaz, juin 2018